# 56 (2002)

Version numérisée

Bernard Andrès ( 6e fauteuil)
« Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1757-1810), aventurier du livre et de l’estampe »

Des Grasset de Saint-Sauveur, on connaît surtout André (1758-1792), martyr de la Révolution française, béatifié en 1926 et dont un collège porte aujourd’hui le nom. Cet article concerne plutôt son frère aîné, personnage à l’antipode: Jacques Grasset de Saint-Sauveur (1757-1810). Successivement diplomate, polygraphe, illustrateur et graveur, il fut aussi aventurier et quelque peu mystificateur. Montréalais de naissance, Jacques Grasset de Saint-Sauveur a connu sa petite gloire littéraire sous la Révolution et le premier Empire. Il publia un nombre considérable d’encyclopédies de voyages et de costumes, de compilations et de récits libertins, mais aussi d’ouvrages de morale d’inspiration philosophique ou républicaine. Il nous intéresse du triple point de vue de l’histoire politique et diplomatique du Canada et de la France, de l’histoire littéraire et de l’histoire de l’art. Pour cerner la personnalité de l’individu, on analyse ici une lettre qu’il adressa en mars 1785 à de Charles Gravier, comte de Vergennes , ministre des Affaires étrangères de France. Cette correspondance contient l’auto-portrait de l’aventurier à la recherche d’un mécène, avec toutes les marques d’un jeune caractère déjà bien tranché: esprit d’initiative, audace frisant la présomption, détermination, sens politique et curieux mélange de réalisme et d’extravagance dans la vision du monde. En germe dans ce pli que Jacques Grasset de Saint-Sauveur rédige à 27 ans, se lit déjà toute la carrière de celui qui, sous le Directoire, trouvera plus prudent de perdre la particule et de signer « citoyen Saint-Sauveur », avant de s’acoquiner avec les plus ardents républicains de l’époque. À côté d’André, son père, ancien secrétaire de la Nouvelle-France, devenu consul sous Louis XVI, à côté de son frère cadet, lui-même consul et de l’autre frère, prêtre réfractaire fauché par la Terreur, Jacques Grasset fait tache. C’est cette tache qu’on examine ici à partir d’une simple lettre, avant de revenir, dans une prochaine livraison, sur la bibliographie du mouton noir des Grasset de Saint-Sauveur.

Pierre Trépanier (1er fauteuil)
« Les tribulations d’André Dagenais ».

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le philosophe et essayiste André Dagenais se révèle un penseur traditionaliste vigoureux et dérangeant. Díinspiration scotiste, il bouscule les habitudes thomistes au sein de sa famille de pensée, la droite catholique et nationaliste. Quant à ses adversaires libéraux et progressistes, ils le tournent en dérision lorsqu’ils daignent s’en occuper. Le mutisme des philosophes et des théologiens à son endroit est rarement rompu. Le professorat dans un collège ou à líuniversité lui est interdit. Père de famille, il est forcé de se faire journaliste ou libraire, et de s’éloigner des siens. À travers la précarité, il réussit à rester fidèle à sa vocation díintellectuel : non pas primum vivere, deinde philosophari, mais vivere et simul philosophari. Il mène de front líoffensive antithomiste et le combat national. Ardent promoteur du pluralisme chrétien, il croit que le second concile du Vatican sonne líheure du triomphe. Mais la Révolution tranquille enclenche une dynamique qui aboutit au pluralisme laïque, soit hostile, soit indifférent à la pensée chrétienne. Paradoxalement il réussit enfin, à ce moment, à intégrer les cadres de líenseignement collégial. Éternel marginal du monde intellectuel québécois, il cherche à opérer une sorte de dépassement-synthèse de la modernité, à la fois théoriquement, par la triadologie, et pratiquement, par le triadisme . Resplendirait alors une Cité nouvelle, temple de la Trinité, communauté des personnes et maison de Laurentie. Envers et contre tous, André Dagenais a maintenu l’honneur de penser en homme libre.

Roger Le Moine (4e fauteuil)
« L’Amérique des prosateurs français de la Renaissance »

La première partie de cet article est parue dans Les Cahiers des Dix, no 55 (2001). Le second volet reproduit ici la suite des textes que certains prosateurs de la Renaissance, historiens, chroniqueurs et essayistes, ont rédigés en síinspirant des relations de voyage, histoires des découvertes comme aussi les dires de voyageurs et Amérindiens. À part ceux de Montaigne, ils sont pratiquement inconnus. Ainsi, je complète une enquête qui mía jadis mené à publier toute une collection de poèmes exotiques dans un volume intitulé L’Amérique et les Poètes français de la Renaissance (textes présentés et annotés par Roger Le Moine, Ottawa, Éditions de l’Université díOttawa, 1972, 350 p. (Coll. Les Isles fortunées).

Les textes sont, pour la plupart, précédés et suivis de courts commentaires mais sans quíils ne soient analysés. Ma démarche n’a consisté qu’à les rendre accessibles.

Jocelyne Mathieu (7e fauteuil)
« À propos des manières d’habiter, quelques réflexions sur le mobilier et la mentalité des Québécois ».

La disponibilité díespace, la place de l’individu et les valeurs émanant de leurs rapports se matérialisent dans l’univers domestique. L’aménagement de la maison et les caractéristiques de son mobilier incarnent des manières de vivre et de penser. La non-fixité remarqué dans l’espace domestique du XVIIIe siècle a favorisé la polyvalence des meubles. Ces meubles et leur disposition dans líhabitat reflètent un rapport particulier entre les individus et l’environnement domestique. Dans un intérieur domestique à aires ouvertes, où la polyvalence caractérise les composantes, l’usage díun siège mobile, léger, malléable comme la chaise síavère díune commodité incontestable. Le fait de préférer la chaise au banc peut-elle indiquer une tendance vers líindividualisme et la liberté de circulation ? De plus, le réaménagement périodique des lieux après un changement de logis ou simplement pour  » changer d’air  » en allant vivre de façon saisonnière dans la cuisine d’été ou au chalet, par exemple, suggère aussi le goût du mouvement, du changement, voire díun esprit disponible à la nouveauté.

Claude Galarneau (5e fauteuil)
« Les études classiques au Québec 1760-1840 ».

En 1763, les Pères jésuites rentrés en France et le Collège de Québec fermé, il n’y a plus d’enseignement classique au Québec. Il fallait trouver une façon de le perpétuer. Le peu de prêtres qui restaient à Québec et à Montréal se sont mis à l’úuvre. Les curés de paroisse ouvrent des écoles dans leur presbytère pour préparer des élèves et dix de ces écoles deviendront des collèges entre 1765 et 1840. Les professeurs seront d’abord des anciens élèves à peine tonsurés, qui enseigneront pendant leurs études de théologie, venus de Québec et de Montréal dans les autres collèges et quelques prêtres français. Les directeurs et les professeurs conservent le même programme d’études que les jésuites avaient mis au point. Un exemple de matière enseignée sera développé, celui de la rhétorique. Enfin, le sort des anciens élèves de la période, prêtres et laïcs, sera évoqué. En 1840, les études classiques étaient solidement organisées suivant un modèle qui s’est perpétué jusqu’en 1960

Yvan Lamonde (2e fauteuil)

<h6"le bas-canada= » » et= » » le= » » courrier= » » des= » » etats-unis= » » de= » » new= » » york= » » (1828-1840) »<= » » h6= » »>

Ce premier article sur « Le Bas-Canada et le Courrier des Etats-Unis de New York (1828-1840) » explore la presse de l’Amérique francophone dans la première moitié du XIXe siècle. Son propos global entend faire voir dans quel contexte s’est formulée l’idéologie d’une « vocation de la race française en Amérique ». Cette importante vision d’avenir du Canada français n’est pas sortie de la cuisse de Jupiter mais fut UN des scénarios possibles élaborés après les rébellions de 1837 et de 1837 et au moment de la crise annexionniste de 1849. Après avoir donné une idée des références faites au CEU dans la presse bas-canadienne avant 1840, le texte analyse la perception des rébellions dans le journal francophone de New York marqué par sa fondation bonapartiste.

Gilles Gallichan (3e fauteuil)
« De Toulouse à Limoilou : Un itinéraire capucin (1902-1934) Première Partie : La Conquête de Québec »

En mai 1902, des capucins originaires de Toulouse, installés à Ottawa depuis 1890, se voient confiés la paroisse Saint-Charles de Limoilou, aux portes de Québec. Cette arrivée est le fruit des efforts obstinés du père Alexis de Barbezieux pour fixer sa communauté au Québec. Une rivalité fraternelle a díailleurs opposé pendant 12 ans les capucins et les franciscains dans cette conquête de Québec. Ces congrégations françaises cherchaient au Québec une terre promise pour échapper aux lois laïques de la IIIe République.

Les frères mineurs capucins prenaient en charge Limoilou alors au bord de la banqueroute. Líarchevêque Bégin plaçaient sur leurs épaules un imposant défi díorganisation et díadministration que les capucins relevèrent pour enraciner leur communauté au Canada français. Une seconde partie traitera du milieu social et du travail de ces capucins français à Québec.

Fernand Harvey (fauteuil no 8)
« Le diocèse catholique au Québec : un cadre territorial pour líhistoire sociale »

Le diocèse catholique a joué un rôle incontournable dans líhistoire religieuse, économique, sociale et culturelle du Québec et de ses régions avant la Révolution tranquille. Un bilan historiographique permet dans un premier temps de constater qu’il reste beaucoup à faire pour développer l’histoire des diocèses au Québec. L’histoire de la création de nouveaux diocèses au cours des 19e et 20e siècles est particulièrement significative des rapports entre cette structure religieuse et la territorialité, en plus de révéler l’existence de luttes de pouvoir et de conflits idéologiques et linguistiques au sein du clergé ; sans compter líimpact socioéconomique lié à la fondation d’un diocèse et à la localisation d’un évêché. Parmi les différentes institutions diocésaines créées au fil des années, le petit séminaire apparaît comme le lieu par excellence de la reproduction du clergé diocésain et des élites régionales. Notre analyse porte par la suite sur le rôle joué par le cadre diocésain pour structurer différentes associations et mouvements sociaux de la société civile tels que les sociétés diocésaines de colonisation, líUnion catholique des cultivateurs (UCC), le Mouvement des caisses populaires
Desjardins, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) et la Fédération des commissions scolaires catholique du Québec (FCSCQ). À partir des années 1960, le cadre diocésain cesse díêtre utilisé par une société de plus en plus laïcisée et dominée par l’intervention de líÉtat. De son côté, le clergé, inspiré par le concile Vatican II, met líaccent sur le renouveau pastoral dans les différents diocèses.

The Catholic diocese played a major role in the religious, economic, social and cultural history of Québec and its regions before the Quiet Revolution. An initial examination of the historiography shows that much remains to be done to develop the history of the diocese in Québec. The history of the establishment of new dioceses in the course of the nineteenth and twentieth centuries is especially revealing as concerns the relationship between this religious structure and territoriality. Moreover, the history of these dioceses unveils the existence of power struggles and ideological and linguistic conflicts within the clergy as well as the socio-economic impact associated with both the foundation of a diocese and the location of the bishop’s palace. Among the various diocesan institutions created over the years, the seminary may be seen as the ultimate place in which diocesan clergy and the regional elite were trained. Our analysis then turns to the role played by the diocesan framework in civilian society in constructing different associations and social movements such as the diocesan colonisation societies, the Union catholique des cultivateurs (UCC), the Movement des caisses populaires Desjardins, the Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) and the Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec (FCSCQ). From the 1960s, the diocesan framework ceases to be utilized by a progressively secular society dominated by state intervention. Inspired by Vatican II, the clergy emphasizes pastoral renewal in their various dioceses.