# 66 (2012)

Version numérisée

Jocelyne Mathieu (7e Fauteuil)

Journaux personnels des filles de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau (1855-1876). Une première approche
[The Diaries of Pierre-Joseph-Olivier Chauveau’s daughters (1855-1876). An initial approach]

La colonisation française en Amérique du Nord s’est caractérisée par un modèle métis de relations avec les Autochtones dont les cultures ont inspiré la critique sociale de l’occident. Après la Conquête et la cession de 1763, les francophones ont refoulé la part amérindienne en eux afin de réclamer des droits identitaires à titre de civilisés. Outre une longue histoire commune et une profonde inter influence, ils partageaient également avec les Autochtones, un statut analogue de « nation-enfant » et conquise. Placés dans la position ambiguë de colonisateurs colonisés, ils se sont définis dans le seul héritage de la France en justifiant leur proximité avec les Amérindiens par leur mission civilisatrice. Le Canada français serait géographiquement d’Amérique, mais non pas culturellement parce que, selon ses élites, sans créolité. La peur de passer pour des Sauvages serait constitutive de la honte de soi.

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The record group of Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, the first premier of Québec (1867-1873), in the Archives of Université Laval contains a section related to the women in his family, including the diaries of his daughters Flore, Éliza, Henriette and Honorine between 1855 and 1876. The diaries relate certain events and testify to the domestic and social life of this bourgeois family in Québec and Montréal. This article represents an initial approach to these diaries. It focuses on the practice of keeping a diary, the family’s move from Québec to Montréal when Chauveau became superintendant of the Board of Education in Lower Canada, the travel journal kept by Eliza during her vacation with the Papineau family and the narrative of the last days of the girls’ mother as recorded by the youngest daughter, Honorine.

Yvan Lamonde (2e Fauteuil)
Britannisme et américanité de Louis-Joseph Papineau
à l’époque du deuxième projet d’Union (1822-1823)
[Britannism and Americanity in the Louis-Joseph Papineau’s political thought at the time of the second plan of Union (1822-1823)]

Vue sous l’angle de l’évolution de la pensée politique de Papineau, l’hypothèse de Louis-Georges Harvey selon laquelle le projet d’union de 1822 a été sous-estimé dans l’historiographie québécoise et canadienne au profit de celui de 1840, prend un relief indubitable.
Le séjour de Papineau à Londres avec John Neilson pour mener une opposition à ce projet d’union du Haut et du Bas-Canada lui fait découvrir un « pays de paradoxes » plus aristocratique que démocratique. Il y découvre pour sa gouverne personnelle que ce qu’il admire dans « les libertés anglaises », c’est la Chambre des Communes, le principe électif, qui est aussi celui de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. Il constate encore que ce que vise le projet d’union, c’est le contrôle de cette Chambre d’assemblée par une minorité.
Papineau revient critique des « libertés anglaises » et curieux des libertés états-uniennes, de la république voisine où prévaut le principe d’éligibilité.
Non seulement son opposition au projet de 1822 informera celle du projet de 1840, mais les années 1820 (discours sur la mort de George III) à 1826 lui font perdre ses illusions sur l’Angleterre et contribuent à façonner son admiration pour la démocratie. C’est ainsi que Papineau transforme son britannisme en républicanisme et que ce passage explique sur le plus long terme ses idées d’après 1840 que Jonathan Livernois et moi avons mises au jour dans Papineau. Erreur sur la personne (2012).

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The analysis of Papineau’s political thought gives a solid boost to Louis-Georges Harvey’s hypothesis that the plan of union of 1822 is underevaluated in Quebec and Canadian historiography which focuses on the plan of union of 1840.
During his journey in London with John Neilson to oppose the plan of 1822 Papineau observes a « country of paradoxes » more aristocratic than democratic. For his own conduct, Papineau discovers that what he cherishes in the « English liberties » is the House of Commons, the elective principle, which governs Lower-Canada House of Assembly. He is face with a plan that contemplates the control of that Assembly by a minority.
Papineau returns to Quebec with a critical view of the « English liberties » and more curious about the liberties in the neighbour republic runned by the elective principle.
For sure his opposition to the plan of 1822 will inform his rejection of the 1840 one, but the years between 1820 (his speech on the occasion of the death of George III) and 1826 dissilusion him and contribute to a growing admiration for democracy. It is that way Papineau moves from britannism to republicanism and this shift explains on the long run his post-1840 ideas analysed by Jonathan Livernois and myself in Papineau. Erreur sur la personne (2012).

Louis-Georges Harvey (9e Fauteuil)
Une Constitution pour l’Empire : sur les origines de l’idée fédérale au Québec, 1765-1815
[A Constitution for the Empire: on the Origins of the Concept of Federation in Québec, 1765-1815]

Dans le contexte du réaménagement de la gouvernance impériale qui s’amorce au milieu du XVIIIe siècle et se poursuit après la Révolution américaine, des officiers de la couronne dans les colonies anglo-américaines qui demeureront loyaux après 1783 tentent de jeter les bases d’une structure constitutionnelle impériale par la création d’une fédération des colonies américaines. Développés entre 1783 et 1815 dans les projets de William Smith et Jonathan Sewell, ces projets de fédération forment un pôle important du discours politique bas-canadien et ils définissent les mécanismes de la domination coloniale que les adeptes de l’Empire tentent d’imposer à la colonie après 1822. Dans le contexte politique bas-canadien, le fédéralisme représente donc un mécanisme de domination et un modèle de gouvernance permettant de perpétuer l’hégémonie politique impériale plutôt qu’une pensée annonciatrice de l’avènement du Canada moderne.

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In the context of the reorganisation of imperial government which began in the mid-eighteenth century and continued through the American revolution, officers of the crown in the Anglo-American colonies who would remain loyal after 1783 attempted to conceptualise a constitutional regime built on the creation of a federal structure uniting the American colonies. Developed mainly in the projects elaborated between 1783 and 1815 by William Smith and Jonathan Sewell, these proposals for colonial federation also came to form an important pole within Lower Canadian political discourse and came to define the mechanisms of political domination which imperial minded thinkers and politicians would attempt to impose on the colony after 1822. In the Lower Canadian political context, federalism therefore represented a model of government which allowed for the perpetuation of imperial political hegemony rather than an ideology which foreshadowed the coming of modern Canada.

Gilles Gallichan (3e Fauteuil)
La crise parlementaire de 1827 au Bas-Canada
[The 1827 Parliamentary Crisis in Lower Canada]

En 1827, le Bas-Canada traverse l’une des crises politiques les plus graves de son histoire. Le gouvernement colonial, dirigé par le comte de Dalhousie, mène une opposition farouche à la majorité parlementaire patriote dont Louis-Joseph Papineau est le leader incontesté. La question du contrôle des dépenses publiques (subsides) et le projet d’union du Haut et du Bas-Canada, que le gouverneur a appuyé en 1822-1823, sont au coeur de ce conflit. Pour mater l’Assemblée, le gouverneur décrète des élections anticipées à l’été de 1827. Or, les Patriotes remportent ces élections avec une écrasante majorité. À l’ouverture de la session, en novembre, le gouverneur refuse l’élection de Papineau au poste de Président (Orateur) de la Chambre d’assemblée. Cette procédure basée sur un droit régalien ancien et périmé provoque une vive réaction des élus qui défendent le pouvoir législatif contre cette offensive du pouvoir exécutif. Dans tout le pays, des assemblées de citoyens pétitionnent et demandent au gouvernement britannique et au Parlement de Westminster le rappel du gouverneur et une réforme démocratique du Bas-Canada. Le présent article examine particulièrement les événements de la session de novembre 1827 et la prise de conscience qu’elle provoqua sur le rôle de l’Orateur comme chef du pouvoir législatif.

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In 1827 Lower Canada is facing one of the gravest political crises in its history. The colonial government headed by the Earl of Dalhousie is fiercely opposing the Patriote legislative majority with Louis-Joseph Papineau as its uncontested leader. Control of public expenses (subsidies) and the proposed union between Upper and Lower Canada, backed by the Governor in 1822-1823, are the issues at the heart of the conflict. To bring the Assembly to heel, the Governor orders early elections in the summer of 1827, but the Patriotes win an overwhelming majority. At the opening of the session in November, the Governor vetoes the election of Papineau as Speaker of the Assembly. This procedure based on an ancient and outdated royal prerogative sparks an angry reaction among the assemblymen seeking to defend the legislative power against encroachment by the executive. Throughout the colony, citizens assemble to petition the British government and the Parliament in Westminster, demanding the recall of the Governor and democratic reforms in Lower Canada. This article focuses specifically on the events of the November 1827 legislative session and how they lead to a heightened awareness of the Speaker’s role as leader of the legislative branch.

Marie-Thérèse Lefebvre (10e Fauteuil)
D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? Enquête sur la culture canadienne-française durant la Seconde Guerre mondiale
[Where do we come from ? What are we ? Where are we going ? Survey of French-Canadian culture during the Second World War]

Cet article présente les résultats d’une enquête et ses répercussions sur l’existence d’une culture canadienne-française distincte, suscitée par André Laurendeau dans L’Action nationale au moment de la Seconde Guerre. L’analyse cherche à faire ressortir les perspectives différentes des 53 répondants, entre ceux issus du milieu intellectuel et ceux provenant du milieu artistique.

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This article presents the results of a survey on the existence of a distinct French-Canadian culture, initiated by André Laurendeau in L’Action nationale during the Second World War. The analysis shows differences of perspective between the 53 responses coming from intellectuals and artists.

Simon Langlois (1er Fauteuil)
Jean-Charles Falardeau, sociologue et précurseur de la Révolution tranquille
[ titre traduit]

Résumé et traduction à venir.

Fernand Harvey (8e Fauteuil)
La commémoration à Québec, 1828-2012
Essai d’interprétation
[ titre traduit ]

Québec possède plus d’une centaine de monuments historiques sur son territoire dont la majorité est localisée dans le Vieux-Québec ou sur la colline parlementaire. Cette analyse à la fois historique et sociographique se propose d’en dégager les grandes thématiques commémoratives. Les caractéristiques historiques de cette ville, à la fois place-forte militaire, capitale politique et centre religieux ont orienté le rapport que ses habitants entretiennent avec le passé. Deux grandes vagues de commémoration avec leurs caractéristiques politiques et esthétiques différentes ont pu être identifiées : la première autour des années 1890-1939 et la seconde, de 1980 à 2012. La réalisation de ces monuments et bustes commémoratifs comporte, par ailleurs, sa propre histoire qui reflète les intérêts convergents ou divergents des différents acteurs sociaux en cause. Parmi les caractéristiques générales qui se dégagent de l’analyse, le dualisme commémoratif est particulièrement significatif.

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Traduction à venir

Laurier Lacroix (5e Fauteuil)
L’art des Huronnes vu par le frère récollet Gabriel Sagard en 1623-1624
[The Art of Huron Women as seen by Recollect Brother Gabriel Sagard in 1623-1624]

Parmi les récits qui présentent la vie des missionnaires en milieu autochtone, le texte du frère récollet Gabriel Sagard, Le Grand voyage au pays des Hurons, suivi du Dictionnaire de la langue huronne (1632), est reconnu comme le premier qui soit aussi complet sur cette nation. Sagard y relate son séjour de 1623-1624 auprès de la communauté de Carahouga, groupe huron qui n’a encore été que peu exposé directement au contact avec les Blancs. C’est un aspect particulier de sa relation qui m’intéresse ici, soit sa capacité de reconnaître comme des œuvres d’art les artefacts produits par les femmes autochtones même si ce concept n’existait pas pour les Amérindiens.
« Elles font […] des paniers de jonc, & d’autres avec des escorces de Bouleaux […] elles font aussi comme une espece de gibesiere de cuir, ou sac à petun, sur lesquels elles font des ouvrages dignes d’admiration, avec du poil de porc espic, coloré de rouge, noir, blanc & bleu, qui sont les couleurs qu’elles font si vives, que les nostres ne semblent point en aprocher. […]. » Son regard émerveillé et curieux détaille ainsi les peintures corporelles, les wampums, les peaux peintes, les bijoux et l’ensemble de la production visuelle.
Sagard reconnaît la richesse et la diversité de leur production et il accorde à ces œuvres des propriétés décoratives et esthétiques, les objets servant également comme moyens de communication ou comme offrandes lors des cérémonies funéraires. Son système de valeur l’empêche cependant de reconnaître la portée symbolique et mythologique de ces objets. Le texte de Sagard rend visible un moment de la culture matérielle des Hurons à la période de contact, production disparue à laquelle un travail d’interprétation pluridisciplinaire pourra en partie redonner vie.

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Among the many travel accounts that present the lives of the missionaries in Aboriginal communities, the text of the Recollect Brother Gabriel Sagard, Le Grand voyage au pays des Hurons, suivi du Dictionnaire de la langue huronne (1632), is recognized as the first to be as complete on this Nation. Sagard recounts his 1623-1624 stay at Carahouga, a Huron village which had been little exposed to direct contact with the French. A particular aspect of this text shows the author ability to recognize as works of art, artifacts produced by Aboriginal women even if this concept did not exist for Native Americans.

He introduces the various art objects that are worthy of admiration : wicker or birch bark baskets, leather bags to hold meat and tobacco pouches, embroidered with porcupine bristle with vivid red, black, white and blue colours, that can not be compared with the ones produced in France. He his amazed by body paintings, wampum belts, painted skins, jewelry and the whole of their visual production.

Sagard recognizes the richness and diversity of production and observes the decorative and aesthetic properties of these objects that also serves as a means of communication or as offerings during funeral ceremonies. His value system prevents him however to recognize the symbolic and mythological significance of thèse works. The text of Sagard makes visible a moment of the material culture of Hurons during the contact period, a production now disappeared but that could be interpreted through a pluridisciplinary research.

Denys Delâge (4e Fauteuil)
Trois observateurs de la condition indienne aux États-Unis durant la première moitié du XIXe siècle : Alexis de Tocqueville, Gustave de Beaumont et Albert Gallatin

« La race des hommes rouges d’Amérique est devenue petite; la race blanche est devenue grande et renommée » disait un chef Chéroki en 1831. Pourquoi ? Épidémies ? Retard technologique ? Puissance de l’envahisseur dont la population s’accroît par un facteur de 8 à 16 par siècle. Résistance impossible ? Réponse d’Adam Smith : le choc de l’âge de la chasse de l’enfance de l’humanité avec la civilisation l’âge adulte du commerce. Le Sauvage ne peut que disparaître. Pour Tocqueville cela est exact et inévitable. Pour Beaumont, voilà une tragédie qu’il faut comprendre de l’intérieur. Pour Gallatin, il faut agir, créer un État indien sur les rives du Pacifique et assurer d’urgence le passage à l’agriculture masculine et à la propriété privée. Les Indiens se fusionneront alors dans la république